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Le carnet de bord

Des Seychelles à Mayotte : Navigation dans l’Océan Indien Sud

Cosmoledo, la récompense

« Cosmoledo, sanctuaire naturel oublié » d’après Gérard Rocamora, ornithologue, rien n’est plus vrai.

Sanctuaire naturel
Pas plutôt ancré devant l’île Menai, Gilles jette une ligne et remonte aussitôt un poisson, puis un autre, lutjan, baliste, mérou…

   

Pendant ce temps, dans les airs, de nombreux fous au plumage brun, des juvéniles semble-t-il, planent autour de nous et se posent sur le bateau.

Cosmoledo comprend une des plus grandes colonies de fous de l’Océan Indien avec, d’après G. Rocamora, 15000 couples de fous à pieds rouges, 5000 fous masqués et seulement 30 à 50 couples de fous bruns.

On y trouve aussi une race particulière de l’oiseau lunettes malgache, Zosterops maderastapana menaiensis. Nous avons également vu des hérons, des sternes, des frégates, un souimanga (colibri) et un passereau que nous ne savons pas identifier.

  

Arrivés sur la plage, des traces vont de la mer en haut de la plage où elles se terminent dans un trou.

  

Ce sont des traces non pas de tracteurs mais de tortues de mer qui sont montées pondre. Sur une des deux plages de l’île, on en compte 45. Il s’agit de traces laissées par des femelles, tortues vertes ou tortues imbriquées, venues pondre leurs œufs puis reparties en mer.
Cosmoledo est, après l’atoll d’Aldabra voisin, le deuxième site de ponte des tortues de mer aux Seychelles.

L’île Menai présente côté mer deux grandes plages bordées par un récif corallien et un platier, on n’y accède qu’à marée haute, et sur les bords de l’île, toujours côté mer, des rochers formés de calcaire corallien érodés en pics tels qu’il est difficile d’y marcher.

  

Côté lagon, c’est la mangrove et pas la peine d’essayer de l’atteindre par la terre, il faut d’abord traverser un maquis fait d’herbes, de quelques cocotiers et casuarinas, plantés autrefois quand l’île était habitée, et d’agaves qui se font de plus en plus denses.

  

Pour visiter la mangrove, nous faisons le tour de l’île avec l’annexe à moteur. En route, sur des fonds de moins de 10 mètres, nous croisons plusieurs fois des tortues qui s’échappent lorsque nous les approchons.

Dans la mangrove, c’est le calme. Nous avançons à la rame au milieu des palétuviers de plusieurs espèces. Les fous à pattes rouges adultes se balancent sur leurs branches. Nous rencontrons même un petit gastéropode, endémique ou pas ? Nous laisserons aux spécialistes le soin de répondre.

Sanctuaire oublié
Situé à 1000 km de Mahé et 400 km des Comores et Madagascar, non protégé comme sa voisine Aldabra classée patrimoine mondial de l’humanité et non habitée comme Assomption ou Astove, deux îles proches, l’atoll de Cosmoledo paraît vraiment oublié de tous.

Il était autrefois habité (du milieu 19ième jusqu’en 1992), il en reste des traces d’habitations, un cimetière et une prison sans parler des plantes introduites.

Aujourd’hui seuls des pêcheurs viennent faire escale ici et quelques navigateurs hors la loi venant s’abriter du mauvais temps ou découvrir une île déserte.
C’est notre cas et celui du bateau Glob, venu de Mayotte en direction des Seychelles. Arrivés à 1 heure d’écart, on aurait difficilement être plus synchrone pour ce rendez-vous amical.

Pour l’étude et la protection de son patrimoine naturel, une ONG seychelloise, la Fondation pour la Conservation des Iles, propose de développer la recherche scientifique (de nombreuses espèces endémiques dont certaines encore à découvrir), la protection du milieu (éradication des rats et chats introduits sur certaines des îles de l’atoll, ré-introduction d’espèces disparues encore présentes sur Aldabra, surveillance du braconnage) et un écotourisme pour faire découvrir le patrimoine naturel de Cosmoledo et aider à financer le projet.

La nuit de la tortue
Imaginez, la pleine lune, la marée haute à 6 heures du matin et de grandes plages de sable : c’est le décor rêvé pour que des tortues de mer viennent pondre.
Pour venir les observer, nous avons transféré notre gîte une nuit sur l’île Menai. Tente, lampe à pétrole, feux de camp, 1 pour le repas du soir, 1 pour les enfants.

A la tombée de la nuit nous partons pour la première exploration. La marée est descendante, mieux vaut aller dormir.

4 heures du matin, la pleine lune éclaire la plage. Gilles part en éclaireur et revient une heure plus tard nous réveiller, une tortue fait son trou en haut de la plage. Félix et Eole ne traînent pas à s’habiller, aller voir une tortue pondre, quelle aventure….


© Université Réunion, Ifremer

La mer continue à monter et on distingue nettement les traces fraîches laissées par la tortue à l’assaut de la plage. Doucement, chacun son tour, sans lumière et sans bruit, nous allons voir la tortue.
Elle a finit de creuser son grand trou dans lequel elle est enfouie et avec ses pattes de derrière elle creuse un puits profonds dans lequel elle pondra ses œufs. Chaque patte à tour de rôle agir comme une pelle, ôtant le sable et le projetant délicatement sur le côté.

Nous nous éloignons afin de ne pas la déranger pour la ponte. 10 minutes plus tard, subitement, nous voyons la tortue sortir de son trou et rapidement descendre vers la mer. Arrivée à la lisière de l’eau, elle fait une pause puis dans un dernier effort s’avance et part à la nage.

Elle n’a pas pondu et a abandonné son trou qu’elle avait mis plus de 3 heures à construire. Est-ce nous qui l’avons dérangé, est le jour qui se lève, a-t-elle rencontré quelque obstacle en creusant. Nous ne le saurons pas.

Nous repartons déçus et rentrons raviver le feu pour un dernier petit déjeuner sur l’île avant de quitter Cosmoledo. Adieu Cosmoledo et ses habitants.